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Traitement manuel de la Pudendalgie par l’Approche Counterstrain de Jones

 Cet article est une introduction à la pudendalgie pour les kinésithérapeutes, ostéopathes et médecins. Pour toute prise en charge par la technique Strain-counterstrain de Jones, il convient de suivre une formation professionnelle dédiée (cliquez pour plus d’infos) Un E-learning gratuit vous est proposé pour introduire la technique.

La pudendalgie ou névralgie pudendale est, dans la plupart des cas, considérée comme la résultante d’une compression du nerf pudendal sur son trajet. Elle se traduit notamment par des douleurs à type de brûlures pouvant être très invalidantes dans les zones périnéale et rectale ou les organes génitaux. C’est une pathologie qui touche davantage les femmes que les hommes, souvent après 40 ans.

Encore trop méconnue des professionnels de santé, son diagnostic reste complexe. De ce fait les patients sont souvent voués à un périple médical avec des conséquences physiques et psychologiques importantes, ayant même parfois pu mener au suicide. En effet, les erreurs diagnostiques sont fréquentes (confusions avec des cystalgies, mycoses vaginales, prostatites, pathologies hémorroïdaires, tumeurs, kystes, neuropathies, maladie psychosomatiques…) et on estime qu’un diagnostic précis est réellement établi en moyenne quatre ans après le déclenchement des premiers symptômes.

L’approche Counterstrain de Jones, qui est issue du giron ostéopathique, est de plus en plus utilisée par les kinésithérapeutes. Cet article a pour but de proposer le regard différent qu’elle offre sur l’origine de la pudendalgie, et un traitement en conséquence.

 

Rappels anatomiques pour comprendre la pudendalgie :

Le nerf pudendal (du latin pudendus qui signifie honteux) est un nerf mixte qui innerve la région pelvienne, entre les organes génitaux et l’anus.

Il naît du plexus sacré, en particulier de la racine S3, même s’il reçoit aussi des fibres nerveuses des racines S2 et S4. Il passe ensuite sous le muscle piriforme, pour se diriger vers la région glutéale au travers de la grande incisure ischiatique où il est accompagné notamment des vaisseaux iliaques internes. A ce niveau, il passe dans une pince ligamentaire, potentiellement la première zone de compression du nerf, entre le ligament sacro-épineux en dedans et en avant, et le ligament sacro-tubéral en bas et en arrière. Il contourne ainsi l’épine ischiatique pour ensuite pénétrer dans la région périnéale, sous le muscle levator anii. Il arrive alors dans un dédoublement de l’aponévrose du muscle obturateur interne qui constitue le classique canal pudendal ou canal d’Alcock, véritable espace de glissement pour le nerf et ses vaisseaux satellites. Il est alors en rapport étroit avec la portion distale du ligament sacro-tubéral et son extension ligamentaire vers la tubérosité ischiatique, le processus falciforme. Cette zone d’insertion du muscle obturateur interne, du fait de sa forme en faux à bord supérieur concave et « tranchant », est potentiellement la deuxième zone de compression du nerf. Sur son trajet, il aura donné naissance à plusieurs ramifications en direction du périnée, du rectum et des organes génitaux.

Vue schématique du trajet du nerf pudendal

Vaisseaux du petit bassin

Fascia endo pelvien

Diagnostic :

Au vue de la symptomatologie plurielle décrite par les patients, la Société Interdisciplinaire Francophone d’Urodynamique et de Pelvipérinéologie a établi une liste des cinq critères indispensables à l’établissement d’un diagnostic précis:

  • Douleur dans le territoire du nerf pudendal (de l’anus à la verge ou au clitoris),
  • Douleur prédominant en position assise, sauf aux toilettes (due à l’écrasement contre le ligament sacro épineux notamment),
  • Douleur ne réveillant pas la nuit,
  • Absence de déficit sensitif objectif,
  • Bloc diagnostic du nerf pudendal positif (sous réserve d’une technique irréprochable). L’infiltration anesthésique du nerf, sous contrôle radio, doit faire disparaître la douleur de façon significative le temps de l’anesthésie locale.

Il existe cependant d’autres critères complémentaires comme :

  • Sensation de brûlures, décharges électriques, tiraillements, engourdissements, paresthésies dans le territoire susmentionné,
  • Allodynie ou hyperpathie,
  • Sensation (vaginale, rectale) de corps étranger endocavitaire,
  • Aggravation de la douleur au cours de la journée,
  • Douleur à prédominance unilatérale,
  • Douleur exquise à la pression sur l’épine sciatique,
  • ENMG,

D’autres irradiations douloureuses plus à distance, qu’elles soient pubiennes, vésicales, vers les fesses et les membres inférieurs, les douleurs à l’éjaculation, les dyspareunies… viennent aussi parfois compléter le tableau.

 

Etiologie :

La cause habituellement retenue pour la pudendalgie est la compression du nerf sur son trajet, notamment au niveau des deux zones citées ci-dessus.

L’approche Counterstrain de Jones émet aussi l’hypothèse d’une origine tissulaire, fasciale, de cette pathologie.

S’en tenant à ses débuts à une vision neuro musculaire des dysfonctions musculo squelettiques, le Counterstrain a évolué et s’appuie aussi à présent sur les dernières découvertes inhérentes aux propriétés du fascia (contractilité, sensibilité). La stimulation des récepteurs (Type III et IV) disséminés dans tout système fascial (MS, vasculaire, nerveux, viscéral) entraîne des réponses de protection à base de contractions réflexes qui sont de deux sortes. D’une part, une contraction des muscles squelettiques locaux et, d’autre part, une contraction des muscles lisses due à la stimulation du système nerveux autonome qui en découle (ex : vasoconstriction).

Le résultat pourra être une tension des tissus mous locaux, avec possible effet compressif sur le trajet du nerf, mais aussi une stase des substances inflammatoires au niveau interstitiel. Des troubles néfastes de l’irrigation ou du drainage de la région et du nerf en particulier pourront alors venir renforcer le tableau.

 

Rappel des principes de traitement par l’approche Counterstrain de Jones :

Le Counterstrain est une technique fonctionnelle indirecte trouvée en 1955 par le docteur Lawrence Jones, un médecin ostéopathe américain. Précise, douce et pour ainsi dire sans contre-indications, son évolution s’est faite en deux temps.

Dans un premier temps le Counterstrain Classique a été développé par le Dr Jones, plus tard aidé par Randall Kusunose, le directeur actuel du Jones Institute de Carlsbad (San Diego). A partir d’une cartographie précise de points (qu’il nomme Tender Points), chacun étant la manifestation d’une dysfonction individualisée, il se proposait de traiter des dysfonctions neuro musculaires par le maintien en position de confort optimal durant 90 secondes (ou moins grâce à certaines facilitations) dans le but de faire disparaitre tout réflexe proprioceptif créant ou entretenant la dysfonction.

Dans un deuxième temps, Brian Tuckey, un des quatre élèves certifiés par le Dr Jones, s’est rendu compte que toutes les dysfonctions (et donc les points) trouvées par le docteur Jones étaient en fait plus précisément en relation avec tous les systèmes fasciaux : MS, vasculaire, nerveux ou viscéral. Depuis 1995, il a poussé le bouchon un peu plus loin en développant le Counterstrain Tissulaire, ou Fascial, sur le même principe que le Counterstrain Classique (points références et position optimale de détente tissulaire) qui s’avérait finalement, et malgré son efficacité, être une approche incomplète.

Que ce soit dans le Counterstrain Classique ou Tissulaire, après l’anamnèse et les tests de mobilité osseuse ou tissulaire habituels, le patient est examiné attentivement dans sa singularité, suivant une procédure reproductible et visant à établir un diagnostic causal à partir des points douloureux trouvés. Il ne reste alors plus qu’à appliquer les techniques selon une séquence de traitement préférentielle.

 

Traitement de la pudendalgie :

Les études médicales montrent que les traitements médicamenteux à base d’antidouleurs classiques ou de morphine sont peu efficaces. Seuls les antalgiques de deuxième degré, les anti épileptiques et autres anti dépresseurs pourront avoir une action sur la perception de la douleur, mais pas sur la cause.

Il est aussi souvent proposé un bloc anesthésique avec infiltration de corticoïdes sur la zone de conflit supposée, en fonction des tests diagnostiques, pour un soulagement d’un tiers à deux tiers des personnes. Mais avec le temps les symptômes ont tendance à revenir.

Après plusieurs infiltrations, une libération chirurgicale du nerf est souvent proposée et parfois même majorée d’un déplacement du nerf sur son cheminement (neurolyse transposition).

En complément de ces traitements médicaux et chirurgicaux, un traitement manuel tiendra toute sa place, avec l’humilité qui s’impose face à la difficulté ou la sévérité de certains cas.

L’approche Counterstrain du Docteur Lauwrence Jones sera une approche de choix en vue de traiter à la fois les causes et les douleurs provoquées par la névralgie. Le praticien pourra piocher à la fois dans les formes Classique et Tissulaire du Counterstrain pour arriver à ses fins.

 

But du traitement : Décomprimer le nerf mais aussi tous les tissus alentours (fascias) qui pourraient avoir une influence dessus.

Cela passera, comme toujours en ostéopathie, par une approche globale du patient en vue d’obtenir une détente locale mais aussi un peu plus à distance. Ainsi, les tensions musculaires, duremériennes, des fascias neuraux en général (plexus et nerfs), ainsi que des autres fascias, MS, vasculaires et viscéraux devront être traitées, avec pour finalité un équilibre retrouvé au sein du bassin mais aussi plus à distance (crâne, C0-C1-C2, complexe sacro  coccygien).

Exemple de techniques de traitement :

Nous avons choisi de montrer ici certaines techniques essentielles que nous utilisons régulièrement en Classique ou en Tissulaire pour le traitement de la pudendalgie.

 

Techniques de Counterstrain Classique :

Pour chacune, après avoir repéré le tender point (TP), relâcher la pression du doigt et mobiliser le corps du patient jusqu’à la position de relâchement tissulaire optimal au niveau du TP. Maintenir la position 90 secondes et retester le TP. La douleur doit avoir diminué d’au moins 70%.

Le point PS4 est situé sur la ligne médiane du sacrum juste au-dessus du hiatus sacré. Son traitement consiste en une pression antérieure sur la base sacrée. Il corrige une flexion sacrée.

Le point LIFO se situe sur la face inféro-médiale de la branche descendante du pubis par une pression supéro-latérale. Son traitement demande une flexion, une abduction et une rotation externe du fémur. Il permet un relâchement de certains muscles du plancher pelvien.

Le point PYR se situe dans le corps charnu du muscle pyriforme. Son traitement, en DV, demande une flexion de hanche à 90° majorée d’une abduction et d’une rotation externe.

 

Techniques de Counterstrain Tissulaire (Fascial) :

Le principe de traitement reste le même, le TP est repéré mais cette fois le relâchement tissulaire local est obtenu par un glissé tissulaire précis de l’élément anatomique en cause. La position est alors maintenue de 15 à 45 secondes en fonction de la sévérité du point, pour un résultat devant se rapprocher des 100%.

Le point du fascia du nerf pudendal se situe à la partie la plus antérieure du rameau pubien, postérieurement à la symphyse. Le traitement consiste en un glissé fascial (à l’aide d’une petite serviette) de la partie antérieure du nerf pudendal en direction postérieure et latérale vers le ligament sacro épineux.

Le point du fascia de l’artère pudendale interne se situe latéralement à l’EIPS, à mi-chemin de la masse glutéale. Son traitement consiste en un glissé fascial de l’artère pudendale interne (située sous la portion latérale du ligament sacro-tubéral) en direction supéro-latérale.

Le point de la veine iliaque interne se situe dans la partie inféro latérale droite de l’ombilic. Son traitement consiste en un glissé fascial de la veine iliaque interne (au milieu de la ligne passant entre l’EIAS et l’ombilic) en direction inférieure, médiale et postérieure.

Le point du fascia endo pelvien se situe sur le bord supéro-médial du ligament sacro tubéral. Son traitement consiste en un glissé fascial du plancher pelvien en direction antérieure, supérieure et latérale.

 

Conclusion :

Pathologie mal diagnostiquée parce que méconnue, la pudendalgie est très invalidante pour ceux qui en souffrent. Les traitements médicaux n’apportant pas toujours les effets escomptés, les traitements manuels offriront alors un complément thérapeutique significatif.

L’approche Counterstrain du docteur Lauwrence Jones s’inscrit de manière efficace dans cette démarche notamment grâce à un examen et un traitement précis des fascias dont les propriétés ne cessent d’être démontrées, particulièrement ces dernières années. Des études approfondies, sur la pudendalgie comme sur d’autres types de pathologies, seront intéressantes pour venir confirmer les résultats positifs obtenus lors des traitements en cabinet depuis maintenant plus de vingt ans.

 

Bibliographie :

  • Labat JJ, Robert R, Bensignor M, Buzelin JM (1990) Les névralgies du nerf pudendal (honteux interne). Considérations anatomo-cliniques et perspectives thérapeutiques. J Urol(Paris) 96: 239–44
  • Etude morphologique du processus falciforme du ligament sacro tubéral. Mémoire pour l’obtention du Certificat d’anatomie, d’imagerie et morphogenèse, Université de Nantes 2002-2003.
  • Critères diagnostiques d’une névralgie pudendale (Critères de Nantes) Labat JJ, Riant T, Robert R (Centre fédératif des pathologies fonctionnelles pelvipérinéales CHU Nantes), Amarenco G, Lefaucheur JP. Réunion de Nantes, les 22,23 septembre 2007.
  • Lawrence H. JONES, « Jones Strain-Counterstrain », 1995, Traduction française.
  • Mitchell JH, Schmidt RF, « Cardiovascular Reflex Control by afferent Fibers from Skeletal Muscle Receptors », in Shepherd JT et al. (eds). Handbook of Physiology, sect. 2, Vol III, Part.2, American Physiological Society Bethesda, MA, 623-658, 1977.
  • Schleip R.,  « Fascia Plasticity : A New Neurobiological Explanation » JBMT, 2003.
  • Stillwell DL jr, « Regional Variations in the Innervation of Deep Fascia and Aponeuroses », am J.Anat 1957,100 :289-317.
  • Schleip, W. Klingler, and F. Lehmann-Horn, “Active fascial contractility: fascia may be able to contract in a smooth muscle like manner and thereby influence musculoskeletal dynamics,”Medical Hypotheses, vol. 65, no. 2, pp. 273–277, 2005.
  • Sato A, Sato Y, Schmidt RF: The effects of somatic afferent activity on the heart rate, in Brooks CM, Koizumi K, Sato A (eds): Integrative functions of the Autonomic Nervous System. Tokyo, Japan, University of Tokyo Press/Elsevier, 1979.

 

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