Article écrit par Thierry Blain, Fondateur et dirigeant de Kiné-Formations.
En dialoguant chaque semaine avec des collègues, je peux vous affirmer que la plupart d’entre eux ont un gros problème lorsqu’il s’agit de se faire payer à leur juste valeur.
Plusieurs constats.
Beaucoup de nos collègues ont du mal à demander à être payés directement plutôt que d’utiliser le tiers payant. D’autres encore attendent que les patients soient remboursés pour encaisser leur chèque. Il me semble que l’on doit
être la seule profession à fonctionner de la sorte. Quand vous allez au restaurant, est-ce que vous demandez au patron de n’encaisser votre chèque que plus tard quand vous serez vous-mêmes payé ? Quand vous allez chez le médecin, les choses se passent-elles ainsi ?
Bien sûr que non.
Mise au point : nous allons revenir sur cette problématique propre à notre profession, mais j’aimerais parler de quelques exceptions. En effet, une partie de la population de notre pays est en situation de pauvreté extrême. Dans ce contexte, je comprends parfaitement l’attitude bienveillante de nos collègues. Cependant, ces personnes sont généralement des CMU et n’ont rien à payer. Le problème se pose pour les autres et sauf erreur de ma part, les personnes qui ont le plus de mal à payer ne sont pas les personnes les plus démunies. Donc, notre attitude n’est pas véritablement adaptée. D’autant qu’ensuite j’entends des plaintes de ces mêmes kinésithérapeutes.
Nous sommes responsables de ce que nous vivons. Rien ni personne ne nous y oblige, puisque par ailleurs dans la même ville, d’autres collègues ont adopté une attitude différente par rapport aux paiements.
Je pense que cette situation est liée à notre personnalité. En effet, si nous avons choisi ce métier de kinésithérapeute, c’est que nous souhaitions être au service de la santé des autres. Mais être au service de la santé des autres ne signifie pas être à la merci des autres. Nous devons donc revoir notre manière de fonctionner concernant l’argent sans changer notre empathie thérapeutique. Il est normal d’être payé en temps et en heure lorsque l’on effectue un travail qui de plus est souvent crucial pour le patient. Si nous ne sommes pas capables de demander à être payés, cela revient à considérer notre travail comme inutile ou sans valeur. Plus profondément, cela montre notre manque de confiance en nous. Pourtant, ces mêmes professionnels se forment et sont donc compétents. Pourquoi alors ne pas faire reconnaître sa valeur ?
Je vous propose donc un petit exercice et je souhaite que vous puissiez (si vous êtes d’accord) partager avec nous les progrès que vous avez fait en la matière.
Il s’agit juste d’un travail sur soi-même et le résultat importe peu. Cependant, je n’ai aucun doute sur le résultat.
Je vous propose donc de faire payer immédiatement une personne qui souhaite le tiers payant.
Vous arrivez soit à la fin des séances, soit tous les 5 ou dix séances et vous demandez à être payé. Je sais que cette simple démarche est déjà difficile pour certain(e)s. C’est justement ce qui est intéressant : sortir de sa zone de confort et progresser.
Donc vous arrivez à 5 séances et bien sûr vous avez prévenu le patient que dans votre cabinet on paye toutes les 5 séances.
Vous : “Mr Dupont, nous venons de finir la 5éme séance. Voici donc le montant que vous me devez à ce jour. “
Le patient : “Je souhaite bénéficier du tiers payant puisque j’y ai droit. “
La se trouve le point déterminant. Soit vous faites comme d’habitude et vous vous résignez, soit vous dites gentiment :
Vous : “Comme je vous l’avais dit, ici on paye toutes les 5 séances car ma banque ne me fait pas crédit. “
Si vous n’adoptez pas cette démarche, vous serez probablement dans la plainte. Si au contraire vous osez, alors les patients vous respecteront et ils vous paieront facilement.
Il s’agit d’un exercice désagréable pour certains.es. Plus cet exercice vous est pénible, plus vous en avez besoin. Faites le au départ une fois par semaine. Quand vous l’aurez fait, vous vous sentirez très bien et vous aurez envie de recommencer. Notez cet événement et planifiez le prochain.
Au début, vous pouvez le faire une fois par semaine mais ensuite il faudra passer à une fois par jour puis à chaque patient.
« Oui mais »
Je sais qu’il y a beaucoup de « oui mais » Le « oui mais » et le contraire de « comment le réaliser », de « comment avancer »
Vous pensez peut-être :
- oui mais, si je ne fais pas le tiers payant mes patients vont partir de chez moi
Avez-vous déjà vu un kinésithérapeute sérieux manquer de travail ? Non, c’est la grande chance de notre métier. Alors entrainez vous avant que les conditions de notre profession aient trop changé.
- Oui mais les collègues de mon cabinet font autrement
Que vos collègues n’aient pas résolu ce problème face à l’argent ne vous concerne aucunement. Pourquoi devriez-vous attendre que tous fassent une chose pour la faire vous même si elle vous correspond ? De plus, il est probable que vos collègues vous voyant faire adoptent la même attitude et vous remercient.
- Oui mais je suis dans un quartier défavorisé
Comme, nous le disions un peu plus haut, ce n’est pas toujours les personnes les plus défavorisées qui ont du mal à payer. Donc, plutôt que de partir défaitiste, essayez une fois par semaine. Ensuite, vous verrez. Et je suis persuadé que comme pour d’autres dépenses, ces personnes paieront en temps et en heure ce qu’ils doivent.
Encore des doutes ?
Si vous doutez encore du bien fondé de cette approche, pensez à vos cotisations URSSAF. Est-ce que l’URSSAF attend que votre compte en banque soit bien fourni pour vous envoyer un appel de cotisation ?
Pensez-vous qu’il est normal que vous payiez des Agios en attendant que des patients vous paient.
Pensez-vous qu’il est normal de courir après les paiements et de perdre des heures à cela ?
Ne faites-vous déjà pas assez d’heures au cabinet ?
Sans vouloir être péremptoire, je souhaite juste partager avec vous, une autre vision de notre situation.
Thierry Blain
FORMATIONS :
- D.E. kinésithérapie
- Collège Ostéopathie ATMAN
- IEATC : formation techniques thérapeutiques chinoises
- GEPRO ostéopathie
- Manipulations viscérales avancées : l’abdomen – Barral
- Master Class “Nadia VOLF” : diagnostic auriculaire
EXPÉRIENCES :
- Pratique libérale en cabinet
- Intervenant auprès de la Fédération Française de Football en 2001, 2004-2006
- Kinésithérapeute pour la sélection de foot sénégalaise – Coupe du monde 2002
- Kinésithérapeute-ostéopathe pour le club de foot de Sedan ligue 1, ligue 2 depuis 2000
- Formateur et directeur de Kinésport jusqu’en 2006
- Directeur de la SARL Kiné Formations depuis 2006